La flore intestinale : un ventre sain pour une vie saine ! Pensez aux probiotiques.
Dernière mise à jour : 17 mai 2022
Si vous avez un petit creux à la lecture de cet article, ne vous retenez pas et faites vous plaisir. Nous ne voudrions pas vous frustrez pendant quelques minutes … Mais pourquoi sommes-nous donc si irritables lorsque nous avons faim ? Quelle est l’origine physiologique des papillons dans le ventre ? Comment se fait-il que nous ayons l’estomac noué lors d’un stress ? Et finalement, de quelle manière notre ventre influence-t-il le reste de notre corps ?

Bonne nouvelle pour les gourmands qui se font réprimander, car il a été prouvé que nous pensons aussi avec le ventre ! En effet, s’il est bien traité, notre ventre nous le rend au centuple. Avant de pouvoir saisir tous les sens de cette information déculpabilisante, un rapide point s’impose sur les notions d’anatomie et quelques définitions. Cet hôte si particulier et bienfaisant, que nous nommons la flore intestinale, sera présenté ainsi ses rôles essentiels dans la digestion et d’autres fonctions jusqu’alors méconnues. Malheureusement, lorsque celui-ci n’est pas dans son assiette, il en est de même pour nous. Vous retrouverez dans cet article comment déceler les maux de cet indispensable compagnon, et surtout comment en prendre soin. Vous verrez, cela ne pourra que vous profiter.
Anatomie et présentation
Généralité
Pour resituer la flore intestinale, ou microbiote intestinal, il faut revoir l’appareil digestif. Ce système permet de convertir les aliments bruts en substances absorbables par le corps humain. Une notion très importante à garder en tête, c’est que cet ensemble de tissus est entièrement extérieur ! Tout ce qui ne passe pas la paroi du système digestif est considéré comme extérieur à l’organisme.
Les aliments sont d’abord mâchés dans la bouche, avant d’être conduit par l’œsophage dans l’estomac pour y être décomposés chimiquement pendant plusieurs heures. La soupe chimique est fournie par le foie, la vésicule biliaire et le pancréas. Cette étape est très importante, car c’est uniquement au moment où les aliments arrivent sous forme de bol alimentaire dans les intestins que le corps est capable d’assimiler les nutriments essentiels à son fonctionnement.
Les nutriments isolés de la nourriture sont alors capables de traverser la barrière intestinale. Les restes non assimilés par le corps continuent leur route par le gros intestin pour être évacuer par l’anus. Il est alors pour un séjour (plus ou moins long selon l’humeur littéraire) au petit coin.
Mais que vient faire la flore intestinale dans cette histoire ?
Le microbiote intestinal n’est pas un être solitaire, mais un écosystème complexe et unique. Notre tube digestif abrite entre 10 et 100 000 milliards de micro-organismes différents, soit près de 2 kg en termes de poids et plus du double du nombre de cellules qui composent le corps humain(1). C’est le microbiote le plus important du corps humain. Ce gros paquet équivalent à un organe à lui-seul, a une composition bactérienne, virale et fongique (qui comprend les levures et les champignons) qui est unique à chaque individu. Elle est présente dès la naissance et évolue au fil des années en fonction de différents facteurs dont la génétique, l’alimentation et l’environnement.
Parmi les bactéries qu’il est possible de rencontrer dans les intestins, certaines ont une plus grande renommée que d’autres. Certains yaourts et boissons lactées sont riches en Lactobacilluset Bifidobacterium, et prétendent ainsi contribuer à la remise en forme de la flore intestinale. En effet, ces deux bactéries y sont présentes en bonne quantité.
D’autres, tels que les Escherichia, sont des bactéries qui peuvent être néfastes pour la santé. S’il est recommandé de se laver les mains après avoir été aux toilettes, c’est notamment pour éviter la contamination d’Escherichia coli, depuis les fèces vers les aliments ou directement la bouche. Sur ce, bon appétit !
Anecdote
Pour l’anecdote, c’est un genre particulier de micro-organismes qui est responsable de la production de flatulences : le genre Methanobrevibacter. Il a un rôle essentiel dans le recyclage du carbone de ce que nous ingérons, et son impact environnemental est très important. Il a été estimé qu'un tiers du méthane rejeté dans l'atmosphère pourrait avoir pour origine ces micro-organismes. Il est donc tout à fait normal de produire des gaz, mais parfois cela peut mener à votre inconfort ou celui de votre entourage. Il est possible que ce soit non pas dû à un rejet anormal de méthane, mais plutôt à la production de gaz souffré dont le responsable est une tout autre bactérie. Si ça sent l’œuf pourri, remettez la faute sur Bilophila wadsworthia !(2)
Une flore intestinale pour digérer, protéger et penser
L’être humain et son microbiote intestinal fonctionnent en symbiose et font profiter chaque parti. En échange de nourriture et d’un logement, les micro-organismes influencent sur notre transit, notre système immunitaire et notre comportement. Description de ce fameux loyer.
Une flore intestinale pour une digestion optimale (3)
Nous comptons énormément sur notre microbiote intestinal dans notre digestion. Lui-même se nourrit depuis notre alimentation tout en assurant différentes fonctions :
Fermentation des résidus alimentaires non digestibles comme les fibres végétales ;
Production d’enzymes facilitant l'assimilation des nutriments ;
Digestion de sucres complexes tels que l'amidon, la cellulose et des polysaccharides ;
Synthèse de certaines vitamines (vitamine K, B12, B8) ;
Absorption des acides gras, du calcium et du magnésium.
Un acteur primordial dans l’immunité
Le microbiote intestinal est aussi le gardien de la barrière de la paroi intestinale. Depuis la naissance, la paroi intestinale voit défiler un flot d'antigènes issus de l’alimentation et du microbiote. Le microbiote tapisse cette paroi et se retrouve ainsi directement en ligne de front de l’immunité intestinale via plusieurs mécanismes :
Empêcher l’installation de certains agents pathogènes et limiter un développement infectieux ;
Escherichia coli est un agent double car il n’est pas seulement responsable de maladies en cas de mauvaise hygiène. Il lutte contre la colonisation du tube digestif par des espèces infectieuses, par compétition (en prenant la place disponible pour les germes) et par production de substance bactéricides (éliminant les germes).
Stimuler le système immunitaire ;
Le microbiote permet à l'immunité intestinale de distinguer les micro-organismes amis (dis commensales) et pathogènes. Des souris ayant grandies en milieu stérile, dépourvu de germes, ont montré un système immunitaire immature et incomplet, que ce soit au niveau des globules blancs, de la rate ou des ganglions lymphatiques. Le rôle immunitaire du microbiote intestinal n’est donc pas limité à l’appareil digestif.
On fait le point
Les maladies intestinales chroniques inflammatoires, comme la maladie de Crohn, sont liées à une activation inappropriée du système immunitaire dans l’intestin et sont accompagnées d’un déséquilibre du microbiote en espèces bactériennes pro-inflammatoires et anti-inflammatoires. Des équipes de recherche travaillent sur des probiotiques permettant de réintroduire le micro-organisme d'intérêt tout en la dotant de propriétés supplémentaires, comme la sécrétion de médiateurs de l’immunité.
Autres : interaction cerveau-microbiote (4)
La motricité intestinale, c’est-à-dire la capacité à déplacer les aliments à travers l’appareil digestif, est régit par le système nerveux entérique. Celui-ci est composé d’un réseau de plus de 200 millions de neurones. Mais l’information neurale ne circule pas uniquement dans le sens cerveau-intestins. La majorité des cellules nerveuses semble par ailleurs destiné à communiquer dans le sens intestins-cerveau. Cette découverte a permis de qualifier le système nerveux entérique de deuxième cerveau.
Il a donc été suggéré qu’un déséquilibre au sein du microbiote pouvait impacter l’information transmise au cerveau. Ainsi, de nombreuses maladies neuropsychiatriques pourraient avoir une origine intestinale. Parmi les maladies étudiées dans le cadre d’un traitement par administration de probiotiques afin d’en améliorer les symptômes, il y a la schizophrénie, l’autisme, Alzheimer et Parkinson. Sans pour autant rentrer dans les détails, les résultats préliminaires de ces recherches sont encourageants pour améliorer les symptômes d’anxiété ou de dépression.
Le changement de régime alimentaire serait même capable d’améliorer le déclin cognitif. D’un point de vue diagnostique, des anomalies ont été observées lors de biopsies intestinales de patients à risque de développer la maladie de Parkinson avant l’apparition des symptômes(5). En attendant la confirmation de ces hypothèses, il ne parait plus si inconcevable de dire que pour être bien dans sa tête, il faut être bien dans son ventre !
Le déséquilibre intestinal : avec la dysbiose, plus rien ne va
Par opposition à la symbiose, la dysbiose décrit un déséquilibre dans le microbiote intestinal. Celle-ci peut être la conséquence de plusieurs facteurs :
Un déséquilibre entre micro-organismes pro-inflammatoires et anti-inflammatoires, tel que dans la maladie de Crohn ;
La prépondérance de certains micro-organismes, tels que des entérobactéries (Escherichia coli). Ces bactéries deviennent pathogènes par opportunisme, lors d’une baisse générale de l’immunité (immunodéprimés).
La disparition de certains micro-organismes, tels que la bactérie Faecalibacterium prausnitzii. L’absence de cette dernière de la flore intestinale de patients atteints d’une inflammation de la paroi intestinale (Crohn) a été mise en évidence et constitue une cible thérapeutique de choix.(6)
Les symptômes d’une flore intestinale mise à rude épreuve
Un intestin malsain peut se manifester de plusieurs manières. Voici 7 des signes les plus courants :
Un estomac dérangé : gaz, ballonnements, constipation, diarrhée et brûlures d'estomac (syndrome de l’intestin irritable)
Des envies de sucre : une alimentation riche en sucres appauvris la flore intestinale et entraîne de grandes envies de sucre. Les sucres raffinés engendrent une inflammation propice à certaines maladies et même des cancers. Ceux-ci sont présents en grande quantité dans les plats préparés.
Un changement de poids imprévu : prendre ou perdre du poids sans modifier votre alimentation ou vos habitudes d'exercice peut être le signe que votre intestin n’arrive plus à absorber les nutriments, à réguler la glycémie et à stocker les graisses.
La perte de poids peut être causée une prolifération bactérienne du colon vers l’intestin grêle (SIBO - Small Intestinal Bacterial Overgrowth).
La prise de poids peut être causée par une résistance à l'insuline ou par l'envie de trop manger en raison d'une diminution de l'absorption des nutriments.
Des insomnies ou une fatigue constante : la sérotonine est une hormone qui affecte l’humeur et le sommeil, et est majoritairement produite dans l’intestin.
De l’irritation cutanée : l'inflammation de l'intestin peut entraîner le passage de certaines protéines dans la circulation, irritant la peau et provoquant, par exemple, l'eczéma
Une baisse des défenses immunitaires.
L’apparition d’intolérances alimentaires : éprouver une difficulté à digérer certains aliments peut subvenir à la suite d’un appauvrissement de la flore intestinale, et provoquer un inconfort digestif (voir Un estomac dérangé).
On fait le point
La maladie cœliaque est une maladie auto-immune qui voit le système immunitaire attaquer la paroi de l’intestin, créant de l’inflammation, suite à l’ingestion de gluten. L’intolérance au gluten provoque les mêmes symptômes que la maladie cœliaque, mais diffère de cette dernière par l’autodiagnostic (le patient effectue lui-même son propre diagnostic).
L’intolérance au lactose est un trouble digestif dû à l'absence ou à l'insuffisance de lactase, l’enzyme permettant de digérer le lactose. Ce dernier qui arrive tel quel dans le gros intestin pour être fermenté par des bactéries et provoquer de l’inconfort.
Comment mon médecin peut-il confirmer ce déséquilibre ?
Pour confirmer son diagnostic si besoin, le médecin peut procéder à différentes analyses complémentaires :
Pour diagnostiquer une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, l’analyse de certains marqueurs peut être faite grâce à une prise de sang ;
La coproculture est un examen bactériologique des selles et donne des informations essentielles pour orienter ou confirmer un diagnostic, sans pour autant donner la composition exacte de la flore intestinale.
Il est possible de visualiser l’intérieur du tube digestif pour identifier la présence de lésions par endoscopie ou fibroscopie digestive.
Un prélèvement (ou biopsie) peut servir à analyser les tissus et la composition de la flore intestinale à un endroit donné du tube digestif.
Traiter et prévenir les troubles intestinaux : reconstituer sa flore intestinale
Vous êtes seuls maitres de votre corps et de sa bonne santé. Vous trouverez ici les clés d’un ventre sain et fonctionnel, pour entretenir les engrenages de votre machinerie. Les premiers gestes vont vous paraitre anodins et certainement répétitifs, mais votre bien-être vaut bien plus que cela.
De petits gestes qui sauvent
Dans un premier, il faut revoir son hygiène de vie :
Réduisez votre niveau de stress : le stress chronique induit de l’inflammation et est néfaste pour tout le corps, y compris les intestins
Dormez suffisamment : essayez de donner la priorité à au moins 7 à 8 heures de sommeil ininterrompu par nuit.
Mangez lentement : mâcher soigneusement et déguster vos aliments. Manger vos repas plus lentement favorise une digestion et une absorption complètes des nutriments.
Restez hydraté : boire beaucoup d'eau a un effet bénéfique sur la muqueuse de l'intestin, ainsi que sur l'équilibre des bonnes bactéries dans l'intestin.
Vérifiez vos intolérances alimentaires
Si vous présentez des symptômes tels que crampes, ballonnements, douleurs abdominales, diarrhée, éruptions cutanées, nausées, fatigue et reflux acide, vous pouvez souffrir d'une intolérance alimentaire. Essayer d’identifier et d'éliminer les aliments déclencheurs.
Changez votre alimentation
Réduire la quantité d'aliments transformés, riches en sucre et en gras que vous mangez contribue sans aucun doute à une meilleure santé intestinale. Il a été démontré qu'une alimentation riche en fibres végétales et en protéines maigres contribue énormément à un microbiote intestinal sain.
Aliments riches en fibres : les légumineuses, les haricots, les pois, l'avoine, les bananes, les baies, les asperges et les poireaux montrent un impact positif sur la santé intestinale.
Aliments fermentés : le kimchi, la choucroute, le yogourt, le tempeh, le miso et le kéfir sont d'excellentes sources alimentaires de probiotiques.
Compléments alimentaires (7)
Vous les connaissez déjà mais savez vous faire la différence entre les probiotiques, les prébiotiques et les symbiotiques ?
PROBIOTIQUES : micro-organismes vivants, essentiellement des bactéries et des levures, destinés à enrichir la flore intestinale.
Parmi eux se trouvent les bactéries lactiques (bifidobactéries et lactobacilles), certaines souches de streptocoques, d’entérocoques, d’Escherichia coli, ainsi que la levure Saccharomyces boulardii (présente dans la levure de bière active).
PRÉBIOTIQUES : ingrédients alimentaires non digestibles mais utilisés par les micro-organismes de la flore intestinale comme source nutritionnelle (effet bifidogène). La famille des prébiotiques comprend les fructo-oligosaccharides, galacto-oligosaccharides, l’inuline, les fibres alimentaires, des mucilages et des amidons résistants à la digestion intestinale.
SYMBIOTIQUES : association entre un probiotique et un prébiotique.
En résumé, il est possible de soit enrichir directement la flore intestinale en complémentant avec des micro-organismes, soit renforcer le microbiote déjà présent par son alimentation. Les deux à la fois permettent d’avoir un effet boosté. Il s’agit d’un bon moyen de relancer le microbiote avant de repartir sur des bonnes bases alimentaire et comportementale.
Dernières trouvailles: Transplantation microbienne fécale (8)
Cette technique peu élégante de prime à bord, n’est rien d’autre que le sujet du prix Nobel de médecine en 2018. La transplantation microbienne fécale consiste à administrer une suspension bactérienne issue d’un individu sain par sonde nasogastrique ou par lavement chez un patient malade. Cette technique est déjà utilisée pour traiter des infections intestinales graves à Clostridium difficile qui provoquent des diarrhées sévères.
Plus récemment, il a été démontré que la greffe fécale serait capable de booster l’immunothérapie dans le traitement de patients atteints de cancer. Si cette hypothèse se confirme, cette technique représentera une chance incroyable, notamment pour les personnes n’ayant jamais répondu à l’immunothérapie.
Que nous réserve encore de fabuleux le microbiote intestinal à l’avenir ?
Pourquoi est-ce si important de préserver ses intestins ?
En plus de ses rôles importants dans le maintien d’une bonne santé globale, une flore intestinale malsaine peut entrainer sur le long-terme l’apparition de maladies plus ou moins graves. Elles peuvent rester centrée autour des intestins, comme les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin telles que la maladie de Crohn ou la recto-colite hémorragique. En raison du lien entre le microbiote intestinal et le cerveau, certaines maladies neurologiques seraient aussi favorisées. De manière généralisée, des pathologies affectant le bon fonctionnement de l’organisme peuvent se développer, tels que des troubles métaboliques (diabète de type 2 et obésité) ou plus graves, le cancer colorectal.
Les intestins sont un trésor qu’il nous faut chérir, un collègue avec qui nous devons travailler tout au long de notre vie pour préserver notre santé. Ne sous-estimez plus le pouvoir de votre bien-être intestinal sur votre santé physique et mentale. Notre microbiote vous réserve encore bien des surprises, qui seront probablement bientôt révélées dans un futur proche.
Bibliographie
(6) https://www.digestscience.com/fr/actualites/315-faecalibacterium-prausnitzii
(7) https://www.swissdocu.ch/fr/news/109-parapharmacie/423-probiotiques-prebiotiques-et-symbiotiques (8) https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cancer/cancer-l-immunotherapie-boostee-par-la-greffe-fecale_151656