Motivation: modèle V.I.E de Vroom
Dernière mise à jour : 17 mai 2022
La motivation est une source incommensurable pour maintenir un individu en équilibre psychologique et physique dans son investissement et dans son efficience professionnelle et personnelle. Elle est la semence de l’arbre de la productivité qui sème ses fruits pour n’être plus que récoltée. La détruire revient à presser un citron sans jamais plus obtenir un citronnier. La motivation est essentielle, quelle que soit la discipline que l’on exerce. Elle permet d’oser, de croire et de surpasser un individu dans son mouvement intellectuel et physique. Quels sont les facteurs ou plutôt devrais-je dire le moteur de la motivation ?

La motivation comme unique source au mouvement.
La motivation est une propriété générale de l’individu à être engagé dans son travail, dans ses relations personnelles et professionnelles et dans toute activité importante à ses yeux. Elle peut, si le contexte organisationnel le permet, engendrer la sur-performance d’une personne.
On peut penser de manière instinctive que la motivation est une propriété spontanée, idyllique, passionnelle et qui pousse l’individu à travailler sans contrainte et dans l’intérêt unique de son activité ou de sa relation. Il n’en est rien.
Si la motivation explique la force d’un comportement d’un individu, on peut aussi se demander pourquoi celui-ci agit. La motivation est la résultante d’un certain nombre de facteurs intrinsèques propres à chacun comme nos valeurs, nos passions, nos expériences... et de facteurs extrinsèques liés à un contexte organisationnel comme la notion de justice, de valeurs perçues et subjectives ainsi que de décisions managériales au sein d'une entreprise.
La motivation comme une propriété uniquement intrinsèque
Bien qu’elle émane de l’individu, la motivation n’est pas une propriété purement individuelle. En effet, elle est facilement contestée par des exemples connus de chacun comme le team spirit. Ce concept qui définit notre engagement collectif, cette unité et ce lien entre les membres d’un groupe. Pour les joueurs de football par exemple, on sait que les joueurs des meilleures équipes au monde sont capables de se battre les uns pour les autres sur le terrain. Ils mettent au point des tactiques collectives et se soutiennent mutuellement en cas de coup dur. Ils suent sang et eau pour un maillot, un pays, un blason, un stade et leurs supporters. Le tout ne faisant qu’un et réuni sous une seule et même bannière. La motivation émane dès lors de la collectivité et du groupe ensemble et non de manière scindée et individuelle.
"Balance man, cadence man, trace la glace. C'est le bob man... COOLRASTA !" RastaRockett
Ainsi, c’est l’esprit de groupe qui crée la motivation collective et qui renforce la motivation individuelle. Elle est une composante essentielle pour la victoire d’une équipe. De plus, on connait tous l’importance du coach et de sa capacité à mettre en exergue le potentiel de chacun au service de cette unité. Le manager est une clé essentielle à la réussite collective d’un groupe, mais elle dépend aussi des performances collectives et des objectifs, eux-mêmes tributaires de performances individuelles liées à la motivation collective.

De même, on se rend compte que la formation d’unité collective et/ou individuelle démembrée du corps collectif initial comme par exemple la formation de clan ou l’individualisme entraine au sein de l’organisation une rupture de cette unification et donc du but commun à la communauté. Ce qui par conséquent, engendre des sources de motivation différentes et désunies de l’unité recherchée par une organisation. Il est certain que la motivation collective débute d’abord par l’unification de motivation individuelle. Si je ne désire pas jouer au football, ce manque de motivation personnel suffira pour affecter la motivation collective d’un groupe.
Finalement, la motivation collective est un ensemble synergique de motivations personnelles, certes intrinsèques à une personne, mais dépendantes de la motivation collective. En clair, dans un groupe ou une communauté, sans motivation individuelle de la part de ses membres la motivation collective n’existe pas et sans motivation collective, la motivation personnelle est réduite à elle-même. Il est certain pour un manager que la recherche d’une motivation collective est la synergie que celle-ci peut apporter au groupe. C’est-à-dire l’équation du un plus un égale trois.
La motivation est-elle un trait de la personnalité ?
Il serait erroné de croire que l’individu en entrant dans une entreprise prend avec lui dans son bagage : son expérience, ses compétences, ses diplômes et sa motivation. Ainsi, bien souvent on retrouve dans les questions des entretiens d’embauches : quelle est votre motivation pour le poste à promouvoir ? La réponse fournie par la personne est très fréquemment construite par le candidat à l’avance sur base du profil recherché. Le candidat ne vient pas montrer qui il est vraiment, mais bien la personne qu’on attend de lui.
En agissant de la sorte, le département RH considère la motivation comme un trait de personnalité. Or, on le sait, la personnalité n’est pas gelée. Elle évolue en même temps que le contexte et l’environnement de l’individu. On arrive dès lors dans des situations où le candidat joue un rôle qu’il incarne à la perfection le temps du recrutement. Une vraie pièce de théâtre débute alors entre le recruteur et le candidat. Son but est de rentrer dans suffisamment de cases pour être considéré comme éligible au poste. Pourtant initialement très motivé, une fois embauchée, cette même personne peut se retrouver métamorphosée et inadaptée au poste promu. Chasser le naturel, il revient au galop ! La motivation n’est pas un trait de la personnalité.
Existe-t-il un lien entre motivation et performance ?
Le lien entre les deux est séparé par une barrière mince : le contexte organisationnel. Quand on parle de motivation, on parle nécessairement de performance. Il ne peut pas y avoir de motivation sans performance, ni de haute performance sans motivation. Cependant, le contexte organisationnel conditionne ce lien. Pour illustrer cela, prenons un exemple : vous êtes jeune, motivé et venez de démarrer votre premier job. Comme tout jeune naïf, on rêve de changer le monde, d’avoir un impact positif dans notre nouvelle organisation. Vous multipliez les propositions d’amélioration de votre département. Cependant, votre boss n’est pas réceptif à vos attentes. Vous comprendrez que dans ce contexte, la motivation n’entrainera aucune performance.
En effet, il y aurait eu performance que si l’organisation avait relayé, amplifier et partager les propositions. Le lien entre motivation et performance existe que si le contexte de l’organisation le permet. L’inertie au changement est une problématique très fréquente en entreprise. En effet, elle coûte à l’employé une énergie considérable sans parfois aucune performance en retour. Une discipline s’est récemment créée pour accompagner les entreprises dans leur restructuration : c’est le Change Management. Le change manager a pour mission d’accompagner l’entreprise dans ses changements structurels et organisationnels. Par exemple son but est d’améliorer notamment la communication verticale, c’est-à-dire hiérarchique, et horizontale entre les membres de l’organisation.
Le modèle VIE de Victor Vroom
Il existe un modèle opérationnel de la compréhension de la motivation. C’est le modèle V.I.E. Ainsi, la motivation est basée sur 3 paramètres traduits via l’équation :
Motivation = V x I x E
Les caractéristiques de cette équation :
Paramètres
V : Valence
I : Instrumentalité
E : Expectation
Les paramètres sont liés entre eux par un opérateur multiplicatif
Une valeur nulle de l’un des paramètres entraine la nullité absolue de l’équation : dans cette équation une valeur nulle ne veut pas dire égale à zéro, mais bien l’absence de ce paramètre. Par exemple une instrumentalité nulle signifie que le collaborateur ne comprend pas ou ne trouve pas le lien qui existe entre performance et résultat (voir infra).
Les paramètres n’ont aucune valeur numérique (1,2, 100 …), ils sont donc soit absents soit présents.
Pour des raisons de compréhension, nous ne suivrons pas la logique inhérente à la formule et nous commencerons par l’expectation puis par l’instrumentalité et nous finirons par la valence.
"Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson rouge sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide." Albert Einstein
L'expectation
L’expectation est le sentiment affectif, intellectuel et pratique de se sentir capable même sans certitude, d’effectuer une performance/ un objectif.
Elle se catégorise en deux types :
L’expectation de soi est la capacité de se sentir capable de faire les tâches et elle est purement subjective d’une personne à l’autre. En effet, elle est sujette à une introspection personnelle ainsi elle se traduit souvent par : suis-je capable de faire le boulot ? ai-je les compétences ? (Langue, connaissance, expérience, etc.). Les tâches que l’on me demande sont-elles claires, précises et non ambigües ? La tâche que l’on me demande occasionne-t-elle du stress ou de la frustration ? Par exemple, votre manager vous demande de faire une présentation en anglais tandis que vous ne parlez aucunement la langue. L’expectation de soi est souvent une source de stress et peut mener à une baisse de motivation.
L’expectation matérielle est quant à elle objective. Elle reflète la capacité de l’employé à faire son travail grâce aux moyens que l’entreprise lui met à disposition. Ainsi elle se traduit par exemple par : ai-je le matériel nécessaire (ordinateur, instrument, etc.) ? Le personnel suffisant ? Le budget adéquat ? La voiture de mission pour mes déplacements ?
L’expectation est notamment conditionnée par la confiance en soi de l’individu. Ainsi, au plus la confiance en soi de l’individu est basse au plus l’expectation sera faible. La conséquence de cela, c’est l’incapacité pour cet individu de pouvoir gérer une situation qu’il aurait pu gérer s’il avait eu confiance en lui. Je tiens à signaler qu’il serait un peu facile de tout mettre sur le dos de la confiance en soi. Il existe réellement des situations ou les personnes sont dans l’incapacité d’effectuer une tâche. Par exemple, un manque de compétence de l’individu. Un autre point important est que la personne ne doit pas être certaine de pouvoir accomplir la tâche assignée. Une simple prise de conscience de sa capacité à effectuer sa mission suffit pour établir son expectation.
L'instrumentalité
L’instrumentalité, c’est le lien qui existe entre la performance et le résultat. La caractéristique essentielle de l’instrumentalité c’est la prise de conscience ou la connaissance de ce lien. Ainsi, elle désigne la perception d’obtenir ou de perdre quelque chose grâce à une performance donnée. Nous verrons que le résultat doit nous tenir à cœur. Finalement, l’instrumentalité c’est répondre aux questions : Pourquoi je fais ce que fais ? Quel est ce lien qui existe entre la performance c'est-à-dire faire ce que je fais du mieux que je peux et le résultat c’est-à-dire la gratification ou la sanction.
La valence
Nous avons vu que l’instrumentalité c’est le lien entre performance et résultat. Cependant, il faut encore que le résultat espéré par la personne lui tienne à cœur. C’est la valence. Elle n’est que la satisfaction directe ou indirecte d’un besoin. Au plus le désir de satisfaire un besoin est important, au plus la valence est considérable. La motivation et la force de la motivation sont intimement liées à la valence. De la même manière qu’au plus la perception du lien entre la performance et le résultat est forte, au plus la motivation est intense. Comprenons aussi par là que pour une même performance donnée, la valence de l’un ne sera pas identique à celle d’un autre. Ainsi, la valence est un paramètre purement personnel et subjectif tout comme l’expectation de soi. Elle est donc liée aux valeurs et au besoin propre d’une personne à un moment donné. Pour aller plus loin, certains psychologues comme Lewin (1935) parlent de la valence comme un état de tension. C’est-à-dire comme un ensemble de force dont est soumis l’individu et qui crée dans l’environnement psychologique de l’individu l’attraction et/ou la répulsion en fonction de ses besoins. Ce qui est intéressant dans cette théorie, c’est que cet état de tension conditionne le chemin par lequel l’individu passe pour atteindre avec plus ou moins d’intensité ses besoins et donc in fine ses objectifs.
La démotivation
La démotivation douce
Ce type de démotivation est caractérisé initialement par une perte d’instrumentalité. C’est finalement, l’individu qui se demande pourquoi il travaille. En effet, la personne ne perçoit pas ou plus le lien entre performance et résultat. Pour pallier cette absence de lien, l’individu passe dans un premier temps par un processus dans lequel il réduit ses attentes. Typiquement, la personne se convainc qu’elle n’a pas besoin d’augmentation de salaire, d’une voiture de société, d’avantages extra-légaux, etc. C’est un processus réversible de protection personnel.
La démotivation dure
La démotivation dure est la conséquence d’une prolongation de la démotivation douce. Elle se traduit par une perte de confiance en soi. C’est donc la perte d’expectation de soi en plus de la perte d’instrumentalité et de la valence. La différence essentielle entre les deux types de démotivation outre les caractéristiques touchées est l’irréversibilité de la démotivation dure. Je tiens à rappeler que l’expectation c’est la capacité à faire une tâche.
Pourquoi la démotivation dure est-elle irréversible ? Prenons une latte en plastique. Si vous la pliée pendant quelque seconde, elle reprendra sa forme initiale. Maintenant si vous maintenez la forme pendant plusieurs jours voire mois, la latte restera dans cet état. Il ne faut pas oublier que la démotivation dure est la conséquence d’une démotivation douce de longue durée. Ainsi la démotivation dure est à la personne, ce que la déformation liée à la force exercée sur une longue période est à la latte. L'individu dans un état psychologique tel, qu'il est difficilement possible de revenir à l'état initial. Cette confiance peut affecter toutes les parties de la vie de l’individu, tant la vie professionnelle que la vie privée.
Le passage de l'une à l'autre
Le passage de l’une à l’autre est essentiellement lié au temps passé dans l’état de démotivation douce. Ce qui explique aussi l’irréversibilité de la démotivation dure. On peut se poser quand même la question de savoir en quoi la baisse d’instrumentalité et de valence entraine une baisse de confiance en soi. Pour bien comprendre le lien entre ces trois choses, prenons un exemple simple. Vous êtes employé dans une société de consultance. Et comme toute société de consultance, le but est de rencontrer des clients et de contracter avec eux. Vous êtes bon dans votre domaine et vous arrivez à générer un certain nombre de contrats honorable. Le jour de votre évaluation arrive et le RH vous annonce grâce à de super critères d’évaluation que vous êtes un bon consultant. Et après ? C’est tout, rien d’autre. Une augmentation de salaire ? nenni. Des avantages sociaux ? nada ! Vous entrez alors dans une phase de démotivation douce. Pourquoi je me donne à fond pour mes objectifs si de toute façon, je ne reçois rien en retour. Autant faire juste le minimum syndical et de quoi justifier mon salaire. C’est la baisse d’instrumentalité. Ensuite, la démotivation continue par le mécanisme de switch de valence. C’est le déni. Typiquement, je n’ai pas besoin d’augmentation de salaire. J’ai suffisamment comme ça et les avantages sociaux j’en ai que faire. Qu’ils se les gardent ! La valence diminue de plus en plus et la motivation qui va avec. On commence à faire de moins en moins pour son entreprise et on finit après une période assez longue à se demander si on est encore capable de performer. On se rappelle qu’à un moment on a été bon dans ce qu’on fait. Mais plus maintenant. Le doute s’installe de plus en plus. Et finalement, l’individu se retrouve parfois même dans une situation d’échec de ses objectifs. La personne finit alors par se dire : « je suis bon à rien, c’est ma faute, je suis plus capable de, etc. » C’est la baisse d’expectation et le passage à la démotivation dur. Rappelons que tout ça ne se fait pas du jour au lendemain. Plus rapide chez certaine personne, cela reste un processus de destruction très lent. Dans certains cas, le passage de la motivation à la démotivation dure arrive très rapidement. Ce sont typiquement les cas de surmenage inopiné qui mène au Burnout.
Conclusion
On entend parfois des gens qui sont contents d’aller travailler et qui aiment leur travail. Quand on aime faire une tâche ou un travail, c’est qu’on en tire quelque chose de positif. C’est une illusion de croire que produire ou s’épanouir il faut choisir. Elles sont rares les personnes qui vivent de leur passion. C’est sûr ! Mais, il est certain qu’il est possible de s’épanouir au travail ou dans toutes autres tâches de la vie. L’épanouissement personnel, les personnes que l’on rencontre et qui nous enrichissent, les défis, la gratitude, la reconnaissance, le partage, l’apprentissage de nouvelles compétences, etc. sont autant de possibilités d’améliorer sa valence. Le salaire ne vient qu’en 3e positions dans la liste des raisons dans le choix d’un emploi. Les deux premiers sont : un travail qui donne du sens et un environnement et des collègues intéressants et passionnants.
